Nouvelles et romans

dimanche 2 octobre 2011

C'était écrit - Chapitre V (2)

Ailleurs


L’Autre était absorbé par son travail au point qu’il ne voyait plus son jardin surréaliste ni son univers onirique pour nous qui sommes du monde réel. Il était courbé sur ses feuilles, sourcils froncés du fait de la concentration, oublieux du passage du temps ; sa plume courait si rapidement sur le papier, les mots se formaient à une telle vitesse sous elle que l’Autre en vint à penser qu’il avait perdu le contrôle de sa main et de son imagination, comme un cocher tentant en vain de conduire un attelage qui a pris le mors aux dents. Pourtant il prenait un certain plaisir à laisser couler le torrent de ses idées et à se laisser emporter par elles ; à tel point qu'il se demandait si c'était lui qui maîtrisait la plume ou la plume qui entraînait sa main. Il accéléra encore le rythme.


Son poignet endolori criait grâce, mais il ne parvenait pas à s'arrêter. Quand enfin sa main, engourdie par la douleur, lui fit comprendre qu'il était impossible de poursuivre ainsi, L’Autre voulut lâcher sa plume pour prendre du répit. Il n'y parvient qu'au terme d'efforts qu'il ne soupçonnait pas : il n'était pourtant pas si malaisé de cesser d'écrire, d'ordinaire !


Alors, une exclamation stupéfaite lui échappa : à sa grande surprise, elle continuait à courir, à foncer, à voler, elle noircissait toujours le papier sans même une hésitation, pendant que son esprit affolé dévidait ses idées à la vitesse de l’éclair. Elle poursuivait son chemin avec fluidité, à l’image du torrent de montagne dévalant les pentes rocheuses avec violence ; sa vitesse était telle qu’elle devint floue, puis transparente, puis invisible, sous les yeux ébahis et bouleversés de l’Autre, qui ne savait comment réagir face à cette plume folle.


Et soudain…

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