Nouvelles et romans

vendredi 11 novembre 2011

Masque

Pour le défi de la semaine d'Evy.

En se regardant dans le miroir, elle ne se reconnut pas : qui était cette jeune femme sophistiquée, sérieuse, hautaine qui la toisait sans sourire devant les tapisseries guerrières qui ornaient les murs du boudoir ? Elle avait le même visage au contour doux qu'elle, mais son teint était d'un blanc aristocratique et non d'un blanc lumineux. Ses yeux brillaient d'un éclat glacé et non d'un bleu céleste. Quant à ses cheveux de jais, au lieu de mettre en valeur sa peau claire, il lui semblait qu'ils formaient un contraste sévère avec sa pâleur. 

C'était elle... et en même temps, ce n'était pas elle ; c'était un masque, un artifice sans vie, une façade sophistiquée affichée pour plaire à ses parents qui voulaient qu'elle se montre digne d'eux devant le monde qu'ils fréquentaient ; car la jeune fille était à marier et "si elle se laissait aller à des débordements d'énergie et à des effusions ridicules, elle ne trouverait jamais un époux convenable". Tels étaient les paroles mêmes de sa mère. Alors, à regret, elle avait rangé sa bonne humeur naturelle, dissimulé son rayonnement solaire, réfréné son sens de la répartie et de l'humour pour enfiler le masque rigide et impersonnel de la bonne bourgeoise maniérée et respectant à la lettre les convenances.

La vie n'était pas simple en se temps-là pour les demoiselles, songeait-elle, les yeux planté dans ceux de l'inconnue qui avait pris la place de son reflet. A quoi avait servi la Révolution si la bourgeoisie avait repris à son compte les vices qu'elle reprochait à la noblesse ? Isabelle ne le comprendrait jamais, mais elle n'osait poser la question à quiconque. Elle l'avait fait, une fois : elle avait interrogé son père... Il s'était aussitôt fâché, et la jeune fille en avait déduit qu'il était incapable de répondre à cela. Encore que... Comment en être certaine dans un monde où tout le monde portait un masque ? C'était à se demander si un jour, les hommes montreraient leur vrai visage au lieu de se cacher derrière les convenances et les codes de la société. Isabelle en doutait... Mais qui sait ?
Son nom retentit au loin. Elle soupira. Allons, il était temps de descendre dans la salle de réception ; mais un jour, elle échapperait à tout cela, elle s'en faisait le serment.

De nouveau, on l'appela. Alors elle se détourna du miroir, non sans avoir pris soin de vérifier que son masque de jeune fille convenable de la haute société n'avait pas été altéré par ses amères réflexion. 

Elle n'eut plus jamais le loisir de le retirer.

8 commentaires:

  1. Quel belle histoire c'est vrais comme un peu au temps des rois ils portais des masques pour des jeux belle écrit ma douce je met le lien vers ton blog bonne soirée bisous evy

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  2. C'est beau !

    Sachant ce que c'est que de vivre derrière un masque, c'est une bien triste fin.

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  3. Merci à vous deux ! Et effectivement, c'est triste de devoir vivre derrière un masque en permanence au lieu de pouvoir être soi-même..

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  4. Bonsoir Eryndel

    C'est une histoire émouvante et belle... Je connais des personnes qui se cache derrière un masque et c'est vraiment triste.

    Merci de ta visite et contente que tu aimes ce que je propose.

    Amitiés

    Amitiés

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  5. Bonsoir Arlette,
    J'en connais aussi et comme toi, je les plains. De rien pour la visite, je suis contente de pouvoir consulter ton blog à nouveau.
    Amitiés

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  6. ah c'est réussi!
    que c était triste cette époque, mais ça existe encore hélas!
    enfin c est une très belle histoire
    bise
    prisca

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  7. Le masque est dans cette histoire un objet concret
    Mais dans ce monde de communication combien sommes-nous à nouer créer un masque et le porter tous les jours , simplement pour ne montrer que le côté luisant de notre personnalité , Paraître c'est porter un masque à vie , c'est perdre sa spontanéité , étouffer ses émotions , oublier le côté humain , ne faire voir que le surhomme .
    C'est si ridicule à mes yeux
    J'égare peur-être
    Douce et agréable journée, ERYNDEL

    Bisous

    Timilo

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  8. Quelle magnifique plume!
    Un dur combat entre l'être et le paraître!
    Heureusement de nos jours la femme est libérée de toutes ces convenances. Restent seulement des rôles sociaux au même titre que les hommes qu'il nous faut quelquefois tenir en société mais ils restent très édulcorés du moins tout dépend le milieu dans lequel on se trouve!
    Douce soirée
    Bisous
    Almaya

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