Nouvelles et romans

dimanche 2 octobre 2011

C'était écrit - Chapitre IV (1)

Rencontres

Dans le monde de l’imaginaire


Or donc Ylin traversa les blanches Montagnes des Dragons de Nacre sans rencontrer d'autre créatures. Cependant la neige se mit à tomber, et l'Elfe dut s’abriter. Une semaine durant elle dut demeurer dans une grotte pour ne point trop souffrir du froid ; et la tempête immaculée souffla sans répit durant ces sept jours. Mais le soleil réapparut enfin et l’Arc Blanc poursuivit son chemin, par monts et par vaux, jusqu’à ce qu’enfin Neige immaculée fût vaincue par la verte forêt.
Adoncques notre héroïne parvint enfin à l’orée de la Forêt des Mystères et s’engagea sous ses grands arbres séculaires. Et là tout était sombre et obscur, car les chênes étaient si massifs, et leurs feuillages si épais que la lumière ne pouvait passer. Longtemps elle erra en ce labyrinthe vivant, longtemps elle chercha le Peuple de la Forêt. Mais las ! Elle ne le trouvait point.
Le jour et la nuit n’existaient nullement dans la Forêt des Mystères, et le temps semblait être paralysé, car les arbres ne bougeaient point, le vent ne soufflait point, les feuilles ne bruissaient point. Tout se taisait pour mieux dissimuler les secrets de la Forêt.
Et longtemps erra la jeune fille, jusqu’à ce que la fatigue fût trop lourde à porter ; lors elle s’endormit au pied d’un chêne, dans la Forêt soucieuse de cacher ses secrets.
Quand elle ouvrit les yeux, elle vit un être étrange : sa tête semblait un gland ; point de cheveux, mais une cupule ornée d’une feuille de chêne pour chapeau, point de peau, mais une écorce fine et lisse aux reflets dorés ; les doigts étaient fins et pointus, verts et profonds étaient les yeux. Il lui demanda de le suivre, et il la conduisit au roi du Peuple de la Forêt, qui lui demanda :
« Que requiers-tu, fière Ylin ? Pourquoi nous cherchais-tu ?
Et Ylin répondit :
– Je vous supplie, noble sire, de m’enseigner les Mystères, car ils me sont nécessaires pour vaincre mon ennemi.
– Promets-tu, ô Arc Blanc, de ne jamais les dévoiler ?
– J’en fais le serment. »
Adoncques le roi des Cuplis appela l’Ancien, et lui ordonna d’enseigner les Mystères à Ylin. Et l’Ancien conduisit la damoiselle vers la clairière la plus secrète de la Forêt, là où seuls les Initiés avaient le droit d’aller, et il lui dévoila tout ce qu’elle devait savoir. Et plusieurs jours passèrent.
Ainsi apprit-elle les Mystères protégés par les Cuplis. À la fin de son apprentissage, le Peuple de la Forêt la laissa seule dans la Clairière des Initiés enluminée de fleurs afin qu’elle parlât aux arbres dans le secret de son cœur. Or donc, comme elle se tenait près du plus âgé des chênes, une jeune fille lui apparut, et ce n’était pas une Cuplis. Elle portait une étrange tenue. Ses cheveux bruns étaient curieusement coiffés. Et elle se mit à parler, et les mots issus de sa bouche étaient étranges :
« Salut, Ylin ! Moi, c’est Marie ; je suis ta créatrice, et je dirige tes actes depuis ton enfance. Je suis ta destinée, en quelque sorte.
Mais pendant ta dernière bataille, tu t’es délivrée de mon emprise. Tu sais, quand tu as pensé au destin ? Normalement, tu devais mourir en affrontant le Chef de Guerre Taciturne à ce moment-là, mais quand j’ai lu tes pensées, j’ai décidé de t’épargner – pour l’instant du moins, puisque ton destin est lié à celui de ton ennemi. Tu te rappelles que Madran a dit quelque chose comme ça ? C’est moi qui ai fait prononcer ces mots au Chevalier ; c’est encore moi qui t’ai fait venir ici. Car je voulais te parler face à face dès ton arrivée.
– Pourtant, Dame Destinée, point ne m’avez parlé de suite. Pourquoi avoir tant tardé ?
– Ne m’appelle pas comme ça. Comme je te l’ai dit tantôt, je m’appelle Marie. Je suis en retard, c’est vrai. Mais mon frère a eu un accident et il a fallu faire venir le médecin. Le guérisseur, si tu préfères. Maintenant, il va un peu mieux. J’ai donc pu venir.
– Et quelle est la raison de cet entretien, Dame Éternelle ? Pourquoi nourrissiez-vous en votre cœur le désir de me parler ? Par quel miracle m’accordez-vous cette faveur ? Onc n’ouïs-je dire que vous fussiez apparue à un simple mortel.
– Je ne suis pas éternelle et tu n’es pas une simple mortelle, ô Ylin, fille du Jour et de la Nuit. Une simple mortelle n’aurait pas pu résister à son Destin, même par une simple pensée. Car je dirige tout ici, les actes, les pensées, la vie, la mort ; je commande même au temps. Tu n’as jamais remarqué que, parfois, les heures n’avancent pas plus qu’un escargot alors que précédemment, les événements et les jours se bousculaient pour fuir plus vite qu’un lièvre ? Tu n’as jamais été paralysée quand tu voulais agir au plus tôt ? Si, bien sûr ; ça se lit sur ton visage. Tout le monde en est conscient, après tout.
– Point ne suis une simple mortelle, dites-vous ! Mais Madran n’était point un simple mortel non plus, et pourtant, vous l’avez occis. Car vous dirigez la main de l’ennemi autant que la mienne, n’est-ce pas ?
– Les lupâos n’ont pas de mains. Mais c’est vrai, eux aussi, ils m’obéissent. Mais pour moi, Madran n’était qu’un personnage parmi les autres. Il devait périr pendant cette funeste bataille, et tous tes compagnons avec lui. Tu dois poursuivre seule. Ta quête ne peut pas réussir si tes compagnons te suivent.
– C’est vous qui en avez décidé ainsi. Si vous le vouliez, il pourrait en être autrement. Mais vous êtes cruelle et sans pitié ; point ne vous émouvez des sentiments de vos marionnettes.
– Non, Ylin, non. Je ne suis ni cruelle, ni sans pitié. Mais je ne savais pas encore que vous viviez. Là d’où je viens, vos aventures ne sont que des mots sur du papier. Vrai, je prenais plaisir à écrire votre légende. Maintenant je souffre de vos malheurs, parce que je sais que vous vivez et que vous êtes conscient. Donc je fais le serment de te permettre de rejoindre Madran. Tu mourras — puisque ton destin est lié à celui du Chef de Guerre Taciturne — et là, dans le Royaume Sans Souffrances, tu retrouveras ton preux chevalier : tu resteras avec lui pour toujours, le temps n’existe plus après la mort.
– Je vous en remercie. Mais vous ne me dites point pourquoi vous êtes ici.
– Je souhaitais te parler, même si je n’étais pas sûre que ce soit possible. Maintenant que je le sais, peut-être rendrai-je plus souvent visite à mes héros. Mais je dois partir, maintenant. Je ne peux pas discuter éternellement avec toi, le temps passe chez moi aussi. Mais avant, il faut que je te dise de sortir rapidement de cette Forêt et de te mettre en quête de ton ennemi. Adieu, Arc Blanc, bonne chance.
– Adieu, Dame Destinée. Ne dites pas : que le sort vous soit propice, c’est vous qui lui commandez. »
Lors Marie sourit tristement, et se fondit dans les ombres brumeuses.

2 commentaires:

  1. Fantastique ! Bon un petit bémol: une faute de frappe après le mot "cupule". Pour une fois que c'est toi qui en fait une, je le dis ;-)

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