Nouvelles et romans

dimanche 2 octobre 2011

C'était écrit - Chapitre II (4)

Dans le monde réel

Le lendemain, Jérémie rejoignit Marie en début d'après-midi. Il avait hâte d'apprendre si son amie avait réussi à entrer en contact avec ses personnages. La veille, il avait donc demandé à Marie s'il était possible de venir plus tôt, et elle avait acquiescé avec empressement.

« Alors ? questionna le jeune homme, une fois qu'il furent tous deux installés dans le jardin.
– Alors, j’ai parlé à Ylin. Je lui ai parlé ! Et à travers Madran, bien sûr, puisqu’elle l’aime.
– Et ?
– Et je lui ai dit… euh… attends voir… Je lui ai dit : "Si tu vis, si tu ne meurs point au cours de ce combat, pars loin, très loin d’ici, au plus profond de la Forêt des Mystères, au-delà des Montagnes des Dragons de Nacre". Puis je lui ai conseillé de s’initier aux secrets du Peuple de la Forêt.
– Le Peuple de la Forêt, hein ? On dirait que tu es à cours d’imagination : tu ne leur invente pas de nom, à ceux-là ?
– J'avoue... Mais je préfère inventer le nom des personnages à celui des peuples. Maintenant, si tu as une idée... rétorqua Marie.
– Moi ? Je n'ai pas ton imagination, alors je te laisse trouver toute seule. Enfin, bon… Dis-moi plutôt pourquoi tu l’as envoyée là-bas. Il y a bien une raison, n'est-ce pas ? »

Marie ne répondit pas tout de suite. En fait, elle ne savait pas vraiment pourquoi, sinon parce qu’elle voulait allonger son récit et influencer le sort d’Ylin autrement. Mais sinon, pourquoi avait-elle fait ça ? Mystère.
Et puis, elle comprit.

« Hé bien… En fait, je crois …, dit-elle lentement en pesant ses mots, je crois que… je veux la rencontrer. Pas lui parler à travers ses amis, non ; de toute façon, ils sont tous morts. Je veux la rencontrer pour de bon. Une fois qu’elle aura appris tout ce qu’il faut de la Forêt des Mystères, bien sûr.
– Mais, s’exclama Jérémie, abasourdi, c’est impossible !
– Bien sûr que si, c’est possible ! Bon, évidemment, je ne peux pas me téléporter dans l’imaginaire, mais…il suffirait de créer un nouveau personnage qui soit moi ! Autrement dit, quelqu’un qui ait mon apparence, mon identité, ma personnalité... Tu ne crois pas ?
– Quoi ? Je ne suis pas sûr que ce soit très prudent ! Tu n’as pas peur que… ?
– Peur de quoi ? interrompit-elle, exaspérée. Il n’y a aucun risque, Jérémie : il n'existe aucun lien entre nos univers. Enfin, à part l’artiste, bien sûr. Mais je ne cours aucun danger puisque ce nouveau personnage ne sera pas vraiment moi. Il me ressemblera juste en tout point. Fais-moi confiance. »

Justement, songeait son ami : que se passerait-il si l’écrivain existait dans les deux mondes, lui qui était le lien entre eux ? Malgré tout, il ne dit rien. Il ne voulait pas fâcher Marie, d’autant plus que ses craintes s’avéraient souvent exagérées. Après tout, peut-être qu'il se trompait. Peut-être qu’il n’arriverait rien. En fait, personne ne pouvait être sûr du résultat de cette expérience : Marie n’était-elle pas la première à avoir découvert tout ça ? N’était-elle pas aussi la première à tenter ce voyage entre les univers parallèles ? Enfin… les univers imbriqués, plutôt. Car c’est ainsi qu'il les concevait : l’imaginaire était contenu dans le réel, lui-même faisait partie d’un autre univers, et ainsi de suite.

« C'est parti, » lança soudain Marie, interrompant les réflexions de son ami.
Elle se sentait prête à tout. Néanmoins, elle savait qu’un échec l’abattrait totalement. Elle souhaitait tant que cette prise de contact directe réussît !
Elle inspira profondément, avant de poser la pointe de son stylo de nacre sur le papier, sous le regard anxieux de Jérémie qui se demandait où tout cela les mènerait au juste.

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