Nouvelles et romans

lundi 28 novembre 2011

La Prison du Chat (1)

Nouvelle rédigée en 1999, d'après un fait divers assez ancien.

Chat des rues, je ne puis compter que sur moi-même pour survivre : je dois me battre pour être respecté, me battre pour me nourrir, me battre pour vivre. Car la mort nous attend partout, nous, les gouttières, les errants jetés à la rue ou nés dans les poubelles. Elle peut surgir n'importe quand : sous la forme d'un chien enragé, d'une maladie incurable, d'une voiture folle surgissant à l'improviste...

Il n'en a pas toujours été ainsi, pourtant. 
Autrefois, j'avais un foyer. J'étais bien nourri, bien traité, heureux. Lorsqu'il pleuvait, je restais à l'abri et j'écoutais les gouttes d'eau crépiter sur les vitres en contemplant la rue grise et morne d'un œil serein. Aujourd'hui, par mauvais temps, je dois bon gré mal gré continuer à errer en quête de ma pitance, trempé jusqu'aux os, le poil hérissé. 
Auparavant, je n'étais jamais importuné par mes congénères. Je me contentais de les narguer, à l'abri derrière la fenêtre close, considérant avec mépris leurs regards envieux et leurs feulements pathétiques. Depuis la mort de ma maîtresse, je dois les affronter tous les jours pour conserver mon territoire.

Malgré tout, je n'étais pas malheureux, dans la rue. Une fois mon autorité établie, les autres matous finirent par éviter mon territoire. Nous ne nous battions plus qu'à l'époque des amours. Les hommes et leurs enfants m'évitaient - peut-être respectaient-ils mon ascendance aristocratique, moi qui étais un chat des forêts norvégiennes pure race ; oui, malgré mon pelage emmêlés, mon oreille déchirée et la balafre qui me barrait l'œil droit, je me tenais si fièrement et avec tant de dignité qu'ils ne pouvaient qu'être intimidés par ma royale prestance. Les autres, eux, n'étaient que des rustres à la démarche grossière. Forcément.
Oui, j'avais encore la belle vie, avant l'incident... Car aujourd'hui, à cause d'Elle, je suis incapable de me débrouiller seul. A cause d'Elle, je suis dans les ténèbres, obligé de ne plus me fier qu'à mon ouïe, à mon odorat et à mes vibrisses. Et ils sont beau être extrêmement sensibles, je ne regrette pas moins ma précieuse vision... pourtant, ce n'est pas ce que j'ai perdu de plus précieux.

Pourquoi donc suis-je passé un jour par les quais ? Pourquoi me suis-je arrêté devant une de ces montagnes flottantes que les hommes appellent des bateaux ? En contemplant cette chose hideuse, je m'étais souvenu qu'un ami de ma maîtresse avait voyagé sur un de ces navires, autrefois. Alors, Elle m'avait chuchoté : "Pourquoi ne pas monter à bord ? Tu en apprendras plus sur les êtres humains, de cette façon... Allez, saisis ta chance, grimpe !"

Maudite curiosité ! Je t'ai stupidement obéi et je l'ai bien regretté. Pourtant, tous mes sens se révoltaient, me criaient que j'étais en danger. C'est vrai, quoi : un chat n'a rien à faire sur un paquebot ! J'aurais dû écouter mon instinct et redescendre aussitôt. A la place, je m'enfonçai toujours plus profondément dans les entrailles du monstre. Bientôt, j'entrai dans une vaste salle où se trouvait une énorme machine. L'odeur qu'elle dégageait était atroce. Je voulus sortir. C'est à ce moment que la porte claqua sinistrement.

10 commentaires:

  1. Bonne soirée Eryndel et merci de ton poême en commentaire.Bisous.

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  2. De rien Prinprenelle. Bonne soirée aussi. Amitiés.

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  3. j'aime beaucoup cette histoire! tu te met bien à la place de ce chat. Vivement la suite!
    amitié
    prisca

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  4. Un chat des rues a lui aussi eu une jolie mésaventure , la curiosité l' a poussé à visiter ma maison et depuis il n'est jamais reparti en ce moment il est sur mes genoux
    Jolie histoire
    Douce journée ,Eryndel
    Bisous
    timilo

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  5. Merci Prisca, et à toi aussi, timilo, pour le récit de cette mésaventure plus heureuse.

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  6. ho mais... c'est triste tout ça !

    *va lire la suite*

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  7. Bonsoir Eryndel ! Tu te doutes que j'apprécie beaucoup cette histoire, très bien écrite, dans sa progression dramatique. Allons vite voir la suite de l'aventure de ce roi "déchu" des forêts norvégiennes. Bonne nuit !

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  8. Coucou Eryndel
    J'ai lu cette fois-ci très attentivement ta belle histoire de chat... La semaine dernière j'étais passé en coup de vent avec l'intention d'y revenir plus longuement. Elle me plaît beaucoup bien évidemment. J'aimerais bien la présenter sur mon blog avec ton autorisation...
    Bises félines
    Béa kimcat
    http://kimcat1B58.over-blog.com/

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  9. Bonsoir Béa,
    C'est un honneur pour moi que d'accepter que tu la présentes sur ton blog. J'accepte avec plaisir !
    Amitiés.

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