Nouvelles et romans

vendredi 2 décembre 2011

La Prison du chat (2)

Aussitôt, une obscurité pesante, consistante, vivante m'enveloppa. Un rugissement infernal se déclencha soudain - je compris qu'il provenait de la machine. J'étais pris au piège, sans nourriture ni eau, sans air frais ni lumière.


Que faire ? Appeler ? Personne ne m'entendrait, le moteur couvrirait ma voix... Et puis j'osais à peine bouger. Le vacarme assourdissant blessait mes oreilles sensibles et me martelait cruellement la tête. La désagréable odeur de pétrole qui m'avait repoussé en entrant me donnait la nausée. Je finis par appeler, quoi qu'en dît mon bon sens, griffant les parois, fouettant l'air vicié de ma queue, tantôt gémissant, tantôt hurlant de toutes mes forces, au risque de me briser les cordes vocales... rien n'y fit. Alors je m'allongeai, épuisé, attendant le sommeil ou la mort.


Après un temps indéterminé, la faim et la soif m'assaillirent, de plus en plus pressants. Ma gorge brûlait, ma langue était soudée à mon palais et mon estomac se tordait douloureusement. Mais qu'y faire ? Incapable de supporter plus longtemps ce supplice je m'approchai de la masse sombre que mes yeux habitués à l'obscurité distinguaient confusément. C'est alors que je sentis de la graisse de machine. J'y goûtais pour la vomir aussitôt : elle avait un goût rance de rouille et de fer. Oui, mais j'avais si faim... Surmontant ma répugnance, je l'avalai.


Durant des jours et des jours, je dus me nourrir de cette graisse infâme, malgré mon dégoût et ma gorge parcheminée, respirant à peine, faiblissant d'heure en heure, de plus en plus malade. Puis, je me mis à délirer.
Non loin de moi, on avait posé une appétissante assiettée de viande et un bol d'eau fraîche. Je voulus manger, je voulus boire : je ne léchai que le sol poussiéreux. Ce qui me fit éternuer violemment et accentua ma soif.


Le temps passait. Combien d'heures, de jours, de semaines s'était-il écoulé ? Rêvais-je ? Ne rêvais-je pas ? J'avais soif. La provision de graisse de machine s'épuisait. Je crus entendre un grattement. Un rat ! Je bondis mais, hélas, mes griffes fendirent l'air sans rien saisir.


J'avais soif. Mon odorat me jouait des tours lui aussi. Je croyais sentir des fumets délicieux. Si je n'avais pas eu si soif, j'en eusse eu l'eau à la bouche.


Les secondes tombaient lentement, lourdement autour de moi, avec une telle désinvolture qu'elles semblaient me narguer. J'avais soif.


Soudain, le tangage cessa, le silence se fit. Enfin, la porte s'ouvrit. Sans attendre, rassemblant mes maigres forces, je me précipitai à l'extérieur, ronronnant de bonheur et de soulagement. Hélas ! Cette précipitation me perdit. La lumière du jour m'éblouit soudain, une douleur intense me vrilla les yeux et le crâne... Il n'est pas recommandé de passer de l'obscurité profonde à une vive lumière : j'étais aveugle.




Mais quel est ce bruit ? Quelqu'un s'approche de moi, je le sens. Quelqu'un respire devant moi et me regarde. Méfiant, je me rencogne contre le mur. Qui est-ce ? Ami ou ennemi ?
"Pauvre chat ! Si maigre, et aveugle encore ! N'aie pas peur, je ne te veux aucun mal. Laisse-moi te prendre dans mes bras."


Alors, je suis soulevé, caressé. On m'emmène. Une porte s'ouvre, se ferme et je suis posé sur quelque chose de doux et de moelleux. Un fauteuil ! Un siège confortable et douillet, enfin ! On me donne à manger, à boire ! Plus jamais je ne devrai fouiller les poubelles pour me nourri. Plus jamais il ne me faudra boire d'eau de pluie dans les gouttières. Mon bienfaiteur me brosse, puis me prend sur ses genoux. Heureux, je ronronne.


A présent, qu'importent ma cécité et le passé ? Désormais, je suis heureux. Mes sens sont suffisamment aiguisés pour que je ne regrette pas ma vue. Enfin... pas trop.

12 commentaires:

  1. Pauvre bête :'(
    heureusement qu'il a trouvé quelqu'un pour s'occuper de lui

    ça me fend le coeur u__u

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  2. Oui, pauvre chat, hein ? C'est d'après un fait divers très ancien que j'ai lu étant gamine dans le magazine Atout Chat... Cette histoire, c'était une rédaction de quatrième. Ca date, hein ?

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  3. Tu exprimes très bien les sentiments du pauvre animal! elle est super ta nouvelle,soulagé que tout s'arrange pour lui et il y' a une suite?
    Bises
    fée

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  4. Il n'y a pas de suite, non. Une fois adopté, le chat a eu une vie normale.
    Amitiés

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  5. Je ne suis pris d'amitié pour un chat , comme lui qui traînait dans mon jardin
    Il y a tellement de chats abandonnés!

    Douce journée, ERYNDEL

    Bisous

    timilo

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  6. C'est vrai, il y en a beaucoup ; et il y en a aussi qui naissent dans la rue et ne connaissent jamais le bonheur d'avoir un toit.
    Belle journée !

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  7. Ouf ! Cela finit bien pour ce pauvre chat, bien courageux, qui s'est battu vaillamment pour sa survie. Et il a trouvé un bon samaritain pour le choyer. Espérons que sa cécité sera réversible, il n'est pas interdit de rêver...Bon courage Eryndel pour tes cours, et merci pour cette jolie nouvelle. Bien amicalement.

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  8. Petit copie / coller : passage rapide dsl.

    Bisous & Bonne nuit les blogamies.

    Encore MERCI pour vos souhaits d'anniversaires.
    Et oui,je prend une plume de plus looooool

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  9. Coucou Eryndel
    Tu te doutes que ton récit me plaît !!!
    J'aime les histoires de chats (et surtout lorsqu"elles se terminent bien)
    Le retour de la Domino de Rosette m'a bouleversée
    Des bisous félins
    Béa kimcat

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  10. Les deux textes sont très beaux, très agréables à lire malgré ce qui arrive à ce pauvre chat en cours de route.

    D'ailleurs, ça y est, c'est officiel, le mien arrive dans à peu près 1 mois et il n'aura jamais à connaitre les problèmes des chats de gouttière. Et ce n'est pas avec mépris pour les autres chats qui n'ont pas cette chance d'avoir une personne pour s'occuper d'eux, je me suis occupée de tellement de chats perdus quand j'étais petite.

    Certains sont restés quelques temps, d'autres jusqu'à leur départ pour un autre monde mais pour moi ils m'ont marquée à vie du bonheur que je ressentais en les voyants ronronner de plaisir et se régaler devant le festin du repas quotidien.

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  11. Merci ! Alors comme ça, tu as enfin trouvé un chat ? Comment est-il ? En tout cas, c'est vrai, rien de tel que de voir à quel point s'épanouit un chat qu'on a sauvé de la rue... Ceci dit, un chat qui n'a jamais vécu de cette façon, c'est tout aussi merveilleux !

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  12. Oui l'est trop mignon mais il faut attendre qu'il soit sevré. Il est tout noir et adore les câlins et les caresses :D

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